Communiqué

Beynac, de l'injustice au scandale d'État

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Sans même avoir pris la peine d’étudier le dossier sur le fond et sans qu’aucun magistrat n’ait pris la peine de se déplacer sur le site, les juges du Conseil d’État ont décidé ce jour de rejeter la requête du Département, condamnant les Périgourdins à jeter à la poubelle plus de 40 millions d’euros.

Cette décision est incompréhensible sur la forme : elle vient contredire 36 ans de procédures et dix décisions du Tribunal administratif. En effet, depuis les premières acquisitions de terrains en 1982, le Conseil départemental avait patiemment obtenu toutes les autorisations et feux verts permettant à la Préfète de la Dordogne, représentante de l’État dans le département, de signer le 29 janvier 2018 l’arrêté autorisant le début des travaux. Alors qu’à dix reprises le Tribunal Administratif de Bordeaux avait rejeté les requêtes des opposants, le 28 décembre 2018, soit onze mois après le début des travaux, le Conseil d’État suspendait le chantier en rendant alors un jugement basé sur des éléments valables au moment où les pourvois en cassation des opposants avaient été déposés, c’est-à-dire sans tenir compte des travaux réalisés !

Le Conseil d’État entérine aujourd’hui les décisions qu’il avait lui-même insufflées sur ces bases complètement bancales auprès du Tribunal Administratif et de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, ceci – il faut le répéter – sans véritablement examiner le dossier sur le fond.

Ainsi, l’État a sciemment choisi de se placer dans une situation aussi incohérente que contradictoire. Le Premier Ministre Edouard Philippe (dont on rappelle qu’il préside le Conseil d’État) avait en effet confirmé, dès le 6 mars 2018, l’arrêté préfectoral autorisant les travaux ainsi que l’ensemble des avis favorables rendus par les commissions et ministères concernés. Le Président de la République avait lui-même assuré, le 19 juillet 2018 à Périgueux, que le problème de Beynac était « réglé ». Quelques mois plus tard, suite au revirement de la justice administrative, le gouvernement faisait le choix de ne pas défendre son propre arrêté auprès d’elle. Il y a là, de toute évidence, une part d’irrationnel inexplicable autrement que par d’obscures motivations politiciennes.

Cette décision de justice, quoiqu’habilement motivée en droit, reste totalement indéfendable sur le fond. Les questions de sécurité (risque falaises, densité du trafic, danger pour les cyclistes et les deux roues, impossibilité d’ouvrir les portes des bus de tourisme et des cars scolaires dans la traverse…), de pollution (visuelle, sonore, de l’air) du site – l’un des plus beaux de France – restent entières. La protection de l’environnement, mise en avant par la justice administrative, se retrouve au final tout simplement massacrée par sa décision. Non seulement l’atteinte aux habitats des espèces protégées a été extrêmement minime, mais les compensations environnementales prévues, d’une ampleur et d’une qualité exceptionnelles, ne pourront être mises en œuvre afin d’améliorer la situation de la nature sur ce territoire ! Pire, l’injonction de démolition conduira à détruire les travaux réalisés et à laisser au final le site dans un état dégradé par rapport à ce qu’il était avant le début du chantier. Quant à la voie verte, elle ne pourra voir le jour.

Hallucinante, la République marche sur la tête. 

Elle marche aussi contre la volonté des élus du Département qui depuis 1982 et jusqu’à récemment ont toujours approuvé ce projet de façon unanime, contre l’avis de la population sollicité par un référendum organisé en 1995 (84 % de votes favorables) et contre le choix des électeurs, le 15 mars dernier, de porter à la tête des quatre communes concernées des élus favorables au contournement.

Opaque, la République fait main basse sur la démocratie, en décidant de suivre les requêtes déposées par une poignée d’opposants défendant des intérêts strictement individuels.
 
Le Conseil départemental de la Dordogne prend acte de la décision du Conseil d’État qui, selon une logique qui lui est propre mais qui échappe au commun des mortels, tourne le dos au bon sens et à l’intérêt général.

Poursuivant l’ambition de répondre aux attentes des Périgourdins et des habitants de la vallée de la Dordogne, soucieux de préserver le bon usage de l’argent public, il continuera de tout mettre en œuvre pour faire valoir ses droits et défendre ses intérêts face à une injustice aussi flagrante.

Rarement la République n’aura à ce point méprisé les collectivités territoriales sur un projet pourtant reconnu - de façon irrévocable - d’utilité publique.

Face à un tel scandale démocratique, le Département entre aujourd’hui en résistance afin de faire triompher le bon sens et de dénoncer les accointances entre le lobby des châtelains fortunés et certaines personnalités du monde politique.

Il en appelle aujourd’hui solennellement au Président de la République, premier garant du bon fonctionnement des institutions de notre pays.